« – Ah ! Si nous parlons hystérique nous n’avons pas fini de rire. – Ou de pleurer ; car elles sont plutôt fatales à leur entourage, ces Notre-Dame du Bromure et du Valérianate. » Jean Lorrain
Caroline Louise Victoire Courrière est devenue Berthe de Courrière à 20 ans, lorsqu’elle a quitté ses contrées lilloises pour se réinventer grande dame à Paris. Grande, Berthe l’était en effet, et ses proportions stupéfiantes ajoutaient à son charme : maîtresse de plusieurs ministres de la Troisième République, elle comptait aussi parmi ses amants le général Boulanger, l’une de ces figures hautes en couleur de la vie politique de l’époque (1). Le sculpteur Auguste Clésinger en a fait sa modèle favorite, sa muse et accessoirement sa légataire universelle : à sa mort, elle a hérité d’une petite fortune. Elle avait alors 31 ans, et sa carrière d’égérie ne faisait que commencer.
Quelques années plus tard, elle rencontre l’écrivain Remy de Gourmont, à qui l’on doit notamment de merveilleuses proses moroses et de fantastiques oraisons mauvaises, et devient sa muse, sa maîtresse, sa logeuse, son aide-soignante, bref, une sorte d’assistante personnelle et d’impresario avant l’heure. Remy de Gourmont lui a adressé ses Lettres à Sixtine, et elle lui a inspiré la Sixtine du roman éponyme, ainsi que Le fantôme. Elle lui restera fidèle jusqu’à sa mort et malgré sa maladie (Gourmont est atteint d’un lupus facial qui, en plus d’être extrêmement douloureux, va le défigurer) ; elle ne lui survivra d’ailleurs que quelques mois. Ils sont enterrés ensemble au Père Lachaise – où vous pouvez donc déposer bougies et mots doux en hommage à cette passion 1900 comme on les aime – dans le caveau de Clésinger, ce qui a dû pour le moins faire jaser.