Σπαραγμoς

« Ne cherchez plus mon cœur ; les bêtes l’ont mangé. »

Dionysos est, entre autres choses, le dieu de l’illusion. Dans Les Bacchantes d’Euripide, il donne l’impression à Agavé de se promener avec la tête d’un animal sauvage au bout d’une pique alors qu’il s’agit en fait de celle de Penthée, son fils, qu’elle vient avec ses consœurs Ménades de mettre en pièces – grosse ambiance. En grec, cet acte a pour nom σπαραγμός (sparagmos) ; ce sort a été subi à l’origine par Dionysos lui-même. Penthée est le roi de Thèbes, il représente l’ordre, la norme, et considère par conséquent « que les femmes, ce n’est rien du tout, de la crotte de bique1 », pour reprendre les mots colorés de Jean-Pierre Vernant, historien incomparable de la Grèce antique, lorsqu’il résume la pièce et ses enjeux ici. 400 ans avant Jésus-Christ, Les Bacchantes met en scène un déchaînement de violence féminine rarement égalé. Certes, les Ménades sont en pleine transe dionysiaque, mais cette férocité a suffisamment intrigué René Girard pour qu’il essaie de lui donner un sens. Dans La violence et le sacré, il la décrit, là aussi, comme une illusion qui vient se superposer à celle de la folie dionysiaque, une illusion qui substitue dans la fiction un groupe largement inoffensif dans la société grecque (les femmes) au groupe qui exerce la violence dans celle-ci (les hommes en âge d’être soldat), un déplacement destiné à conjurer plus radicalement les explosions de violences dont ces derniers sont les plus susceptibles.

Si ce brave René s’en sort avec ce tour de passe-passe, cet archétype de femme foncièrement sauvage, c’est-à-dire violente et hors de contrôle, a eu un succès certain dans les représentations. Le gouffre qu’il y a entre la violence fantasmée des femmes dans la fiction et son cortège millénaire de femmes fatales et les statistiques réelles a de quoi éberluer. Elle a des allures de miroir, celui d’une misogynie intense, protéiforme et millénaire, qu’elle provoquerait supposément, justifierait a posteriori en tout cas. Est-ce que c’est seulement ça, alors ? Une sorte de figure de style ? Qu’est-ce qu’on trouve, en fait, à cette intersection ténébreuse de féminité et de sauvagerie ?

C’est en tirant ce fil que je me suis retrouvée plongée (de manière plus ou moins fructueuse) dans des livres avec des titres comme Histoire de la misogynie2 ou Pourquoi les hommes ont peur des femmes3, et à méditer longuement (de manière plus ou moins fructueuse aussi) sur ces histoires de femmes et de sauvagerie. À défaut d’élaborer une théorie très ordonnée4, voici ce que j’ai glané en suivant quatre pistes : sentier escarpé ou autoroute, impasse ou chemin de traverse, on y croise en tout cas des bêtes à cornes ou à crocs, des moments de transes et de libations, et, évidemment, dépiautages et autres démembrements.

Cette image et les suivantes sont des détails d’une mosaïque du troisième siècle intitulée Bacchante joueuse de tympanum (le triomphe de Dionysos)

La première fois qu’une copine m’a parlé de Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés, je suis restée circonspecte. Son enthousiasme ne pesait pas lourd face aux infamants « New Age », « essentialiste », « gnangnan » et « américain » qui m’étaient immédiatement venus à l’esprit. Rencontre manquée, donc, mais au fil des ans et des critiques dithyrambiques, après avoir essayé de sous-traiter la tâche en l’offrant ici et là (sans succès) et toujours intriguée par son sous-titre (« histoires et mythes de la femme sauvage »), j’ai fini par m’y coller. Après tout, il y a parfois des trucs américains New Age qui me plaisent. Foin de suspens inutile : en 700 pages, j’ai eu tout le loisir de me rendre compte que Femmes qui courent avec les loups est en effet tout à fait New Age (micmac de psychanalyse jungienne et de syncrétisme), essentialiste (ah, l’instinct féminin), gnangnan (les loups en questions ont « un esprit ludique et une aptitude extrême au dévouement » – pas question de déchirer des biches avec ses dents), et américain, mal traduit de surcroît. 700 pages, c’est un peu long pour une seule idée (en gros : en chaque femme il y a un instinct vital « sauvage » qui a été domestiqué et étouffé), et là où j’espérais quelque chose d’un peu anthropologique, il s’agit en fait de relire contes et légendes pour y trouver des traces de cette fameuse femme sauvage.

Femmes qui courent avec les loups est avant tout un livre de développement personnel ; il s’inscrit dans une certaine vision du monde, et est sous-tendu par un objectif bien précis : celui de surmonter ses névroses pour s’insérer au mieux dans la société. On ne sait pas trop ce que contient ce mot sombre, élusif et tentant de « sauvage ». Il semble évoquer une Nature maternelle et enveloppante ; on pense aux années 1960, à Jean-Jacques Rousseau, à un âge d’or de paix et d’harmonie. La mort est surtout symbolique, la destruction toujours créatrice, la violence nébuleuse, à peu près inexistante. Pas besoin de crocs ni de coups de griffes. Pas d’effusions de sang, ni de vin. Bon. Je ne sais pas vous, mais moi, je reprendrais bien un verre, ou une coupe, ou même une bouteille, tant qu’on y est.

Pourquoi consacrer du temps et de la place à un livre qui m’a donné la vague mais persistante impression d’être prise pour une idiote et qui a surtout donné du grain à moudre à ma propre misogynie (« Jung, au moins, ça a une autre allure ») ? Tout d’abord parce qu’il a à l’évidence donné de la force et de l’inspiration à plein d’autres. Au fil des analyses plus ou moins laborieuses ou convaincantes de contes, une piste à l’occasion se dessine, celle du soutien mutuel et de la solidarité : c’est toujours ça de pris. Enfin et surtout, quelque chose sonne viscéralement juste dans le constat de Pinkola Estés : il n’y a rien de plus civilisé, de plus domestiqué que les jeunes femmes5, un bridage qui peut entraver toute créativité, tout désir d’exploration ou d’autonomie, bref, toute pulsion de vie. Quand bien même Femmes qui courent avec les loups n’offre pas beaucoup plus qu’un sibyllin « écoutez votre femme sauvage intérieure » pour s’en tirer, ça ne fait pas de mal de se l’entendre rappeler…

Il se trouve qu’un antidote plus puissant à tout cela est sorti presque au même moment que l’ouvrage de Pinkola Estés – deux ans plus tôt exactement, en 1990. Le bloc de l’Est s’effondre, Fukuyama nous promet la fin de l’Histoire et de ses conflits, et pourtant la bacchanale et ses élans de sauvagerie pointe à nouveau son nez ici et là. Dans Le maître des illusions de Donna Tartt, une bande d’étudiants se met en tête de ressusciter ce vieux rituel – chaos, mort et délitement s’ensuivent. Au même moment, des post-ados scandinaves poursuivent un objectif analogue, avec des conséquences similaires. Et puis Camille Paglia écrit Sexual Personae. Capiteux et corrosif, ambitieux et belliqueux, étonnamment divertissant, ce pavé adapté de sa thèse est une relecture de toute l’histoire de l’art occidental de l’Égypte antique à la pop culture récente en passant par Shakespeare et les décadents, rien que ça, au prisme d’une dualité Apollon/Dionysos emprunté à Nietzsche. Le livre n’a pas été traduit en français à ma connaissance, ce qui est bien dommage ; en voici quelques paragraphes où elle définit les concepts sur lesquels repose toute son argumentation.

À Rousseau, Paglia préfère Sade : la nature qu’elle peint est indifférente et (donc) terrifiante, traversée de violence, constamment en train de dévorer et de digérer, de dissoudre, mettre en pièce, puis les réarranger6. Pas d’utopie donc, mais une urgence : cette violence, il faut vivre avec, parce que l’alternative est soit vaine, soit pire. C’est donc armée d’un arsenal protéiforme – plume acérée, érudition affûtée, sens remarquable de la punchline et de la provocation (voire de la mauvaise foi – à la guerre comme à la guerre) – et surtout d’une énergie débordante que Paglia fait la même chose. Portée par une passion vibrante pour les œuvres qu’elle évoque, elle dissèque l’histoire de l’art pour en extraire ses personas sexuelles. Si son postulat de départ, très freudien, lorgne lui aussi du côté de l’essentialisme et est pour le moins tranché – femme = utérus = nature = indifférenciation dionysiaque, homme = pénis = civilisation = ordre apollinien –, au fil du livre, ces deux pôles antagonistes se combinent et se réarrangent en personas multiples, comme la femme fatale, le joli garçon, le dandy, le chaman, l’hermaphrodite ou la Grande Mère7.

Dire que Camille Paglia est controversée8 est un euphémisme : avec son arrogance, son style implacable et son staccato rapide, elle tire à boulets rouges sur tout le monde et multiplie les prises de positions indéfendables. En lisant Sexual Personae, on s’émerveille, s’étrangle, glousse de joie, grince des dents. Coincées par ses coups de boutoir répétés contre le protestantisme à l’américaine (auquel elle préfère le catholicisme romain de ses origines italiennes, plus proche de ses idéaux païens), ses consœurs féministes prennent cher : elle fustige toute forme de naïveté, de faiblesse et d’hypocrisie dans un contexte où la pornographie et le travail du sexe sont des sujets extrêmement clivants, et où la tradition d’un féminisme bourgeois et « respectable » (celui qui a soutenu la prohibition d’alcool, par exemple) est forte. Paglia quant à elle nous met un cran d’arrêt entre les mains et nous rappelle que la peur n’est pas que de notre côté – comme Lydia Lunch ou Diamanda Galás, guerrières vengeresses et sanguinaires de la musique auxquelles elle me fait souvent penser9. « Wild Women With Steak-Knives »10 : voilà, en gros, l’idée.

Cette chanson de Diamanda Galás, qui plutôt que de courir, hurle avec les loups, vient de son album Litanies of Satan sorti en 1982, qui cite dans les grandes largeurs Charles Baudelaire, protagoniste récurrent de Sexual Personae dont j’ai piqué un vers en guise d’épigraphe. Dionysos, Bacchus et Pan sont des figures distinctes durant l’Antiquité, mais l’Église ne s’embarrasse pas de tant de subtilités : le christianisme émergeant les assimile tous au diable, antagoniste bien pratique qui relègue en bloc le paganisme qui l’a précédé, la sauvagerie, la nature et l’excès du côté du mal. Qui d’autre a été rangé du côté de la sauvagerie, la nature, l’excès et le mal par les pères de l’Église ? Je vous le donne en mille : les femmes. Vouloir s’extraire de ce camp infamant est l’une des stratégies possibles pour retrouver un peu de liberté et d’autonomie. Une autre consiste à l’inverse à s’identifier à ces figures négatives pour opérer un renversement de valeur ou s’approprier leur puissance.

Sous la plume de l’historien des religions suédois Per Faxneld, cette seconde démarche se révèle plurielle, protéiforme, et résolument fertile : c’est ce que l’on découvre au fil des pages de Satanic Feminism, une adaptation de sa thèse (décidément). Sa première édition avait tout pour attiser ma convoitise : un titre et un sous-titre (« Lucifer comme libérateur de la femme dans la culture du XIXe siècle ») alléchants, une reliure splendide élaborée par l’incomparable et regretté Timo Ketola, un prix intimidant, et même une bande originale. Je n’ai pas pu mettre la main sur l’un de ces 100 exemplaires, mais lorsque Oxford Press l’a réédité, j’ai sauté sur l’occasion. Ce livre n’a pas été traduit en français non plus, ce qui est une fois de plus regrettable car il vaut le coup d’œil11, mais ma lecture a abouti à un article écrit en anglais pour le premier numéro du fanzine consacré au black metal Stryga : vous pouvez le lire en français ici.

Satanic Feminism ne propose pas de solution miracle comme Femmes qui courent avec les loups, il ne déborde pas constamment son contexte universitaire comme Sexual Personae, n’a pas ses ambitions cosmogoniques, et pourtant il y a beaucoup à puiser dans cet ouvrage raffiné et maîtrisé. Des éléments de contexte, des stratégies, des trajectoires stimulantes plus qu’édifiantes – une sorte d’anti-Légende dorée. Comme les contes et les œuvres d’art, les mythes sont des outils précieux : pas question de s’en passer. Ces trois livres composent un ensemble pour le moins hétéroclite, mais s’ils ont un point commun, c’est bien de rappeler que les frontières entre la sphère des idées et les réalités matérielles et corporelles sont poreuses…

Et cette porosité, Nastassja Martin en a fait l’expérience de la manière la plus concrète qui soit : à défaut de la « gueule avide de la nature » dont parle Camille Paglia, c’est dans celle d’un ours qu’elle s’est retrouvée coincée, ce qui revient à peu près au même12. Elle raconte dans Croire aux fauves l’histoire de cette collision à la fois douloureusement concrète et symbolique, aiguë et infinie, entre ce que tout a priori oppose – deux individus distincts, l’humanité et la nature, l’intérieur et l’extérieur, la vie et la mort, la raison et l’instinct, l’anthropologue et son sujet. Contrairement aux livres mentionné jusqu’ici, celui-ci est très bref, et il s’agit d’un récit d’expérience13. Écrit avec une plume alerte, captivant, il se lit et se relit sans que s’épuise ce qu’il a de fascinant, bien au contraire. Nastassja Martin n’a pas grand-chose à voir avec sa sombre homonyme, mais « l’art profane »14 qu’elle tire de cette expérience et nous transmet est au moins aussi précieux.

Dans Croire aux fauves, la mise en pièce est partout, pas seulement où on l’imagine : dans le visage de l’autrice déchiqueté puis recousu (en Russie) puis repris, et repris à nouveau (en France), certes, mais aussi dans sa vision du monde, mieux, son rapport à lui. Un voile a été déchiré ; à partir de là, tout s’épanche et se redistribue différemment, ce qui était fluide coince désormais aux entournures et vice-versa. Le tour de force de Nastassja Martin est de réussir à nous tenir sur la ligne de crête, à nous empêcher de basculer dans un camp ou dans un autre, dans celui du symbolique, du mythe, comme dans celui de la simple blessure. Croire aux fauves se situe à l’endroit de la plaie, de la brèche : de l’échange. Impossible de conserver une vision idyllique et naïve de la nature sauvage au Kamtchatka où il faut composer avec les fauves et les éléments, a fortiori dans la gueule d’un ours ; impossible aussi de prétendre s’en affranchir, s’en détacher, de maintenir tout ça à distance à grands coups de frontières et de concepts : il y a donc autre chose.

Cette tentative de dépassement d’une « dualité réversible mortifère » n’est pas simplement théorique ; éminemment incarnée, elle avale et digère toutes celles dont j’ai parlé juste à présent. « Il faut croire aux fauves, écrit Nastassja Martin, à leurs silences, à leur retenue ; croire au qui-vive, aux murs blancs et nus, aux draps jaunes de cette chambre d’hôpital ; croire au retrait qui travaille le corps et l’âme dans un non-lieu qui a pour lui sa neutralité et son indifférence, sa transversalité. L’informe se précise, se dessine, se redéfinit tranquillement, brutalement. Désinnerver réinnerver mélanger fusionner greffer. Mon corps après l’ours après ses griffes, mon corps dans le sang et sans la mort, mon corps plein de vie, de fils et de mains, mon corps en forme de monde ouvert ou se rencontrent des êtres multiples, mon corps qui se répare avec eux, sans eux ; mon corps est une révolution. »

Avec son ours et sa position aux confins, là « où l’Autre se manifeste dans le contact qu’on entretient régulièrement avec lui, sauvage et cultivé se côtoyant, pour s’opposer certes, mais pour s’interpénétrer tout autant »15, Nastassja Martin a des allures d’Artémis, de troisième voie entre l’ordre lumineux d’Apollon et l’indifférenciation ténébreuse de Dionysos. Le symbole est bien pratique, trop beau pour être vrai, mais c’est surtout cette idée de contact, d’interpénétration qui importe. Les Bacchantes d’Euripide suggèrent que ne pas donner son dû à Dionysos ne peut mener qu’à un déchaînement de violence plus grand : reléguer ce qui ne nous plaît pas, nous fait peur ou nous menace ailleurs, le mettre sous clé, sur le dos de la nature ou des femmes ne peut que mener au pire. Il n’y a pas de solution hors de la négociation constante, des allers-retours, des métamorphoses, qu’elles prennent la forme de ruptures brutales ou de tissages patients.

Quant à celui-là, de tissage, ses points sont pour le moins lâches, mais j’espère que ces morceaux de réflexions dispersés aux milles vents se révéleront féconds, comme lors du sparagmos. Ado, post-ado, je me plongeais dans des histoires de ce genre, sanglantes, de femmes fatales ou hystériques, de féministes dures à cuire et belliqueuses, d’hommes d’à peu près la même espèce, de collisions intimes et violentes avec le monde, émerveillée, rêveuse, sans penser qu’il pouvait y avoir une intersection de quelque nature que ce soit entre tout ça et moi. Ça me rendait un peu triste, d’ailleurs, j’y voyais l’intensité et la vérité que je cherchais, mais je n’en étais pas capable ; non merci, ce n’était pas pour moi. Dans le fond, j’avais peur. Rétrospectivement, je me trouve un peu naïve d’avoir pu m’imaginer que j’avais le choix. C’est Croire aux fauves qui m’a mise sur la piste de Jean-Pierre Vernant, dont je n’avais que de vagues souvenirs d’étudiante. Après ce long trajet tortueux, finir sur une citation de La mort dans les yeux me permet donc de boucler la boucle, à défaut de refermer tous ces livres pour de bon…

« Dans les Lois, Clinias interroge l’Athénien sur la nature du mal qui, d’une part, tient les enfants éveillés pendant la nuit, de l’autre, livre à la frénésie les bacchants devant lesquels on joue de la flûte. Réponse de l’Athénien : ‘D’avoir peur, c’est en cela que consiste l’un et l’autre mal, et ces terreurs viennent d’une faiblesse de l’âme. Quand on oppose à de telles agitations une secousse extérieure, le mouvement qui vient du dehors maîtrise le mouvement interne de frayeur et de frénésie, et le maîtrisant ramène le calme et la tranquillité […]. Tout âme qui, dès sa jeunesse, est hantée de telle craintes deviendra de plus en plus la proie de terreurs paniques.’ »

Merci à Fabienne et Amandine pour leur patience et leurs remarques précieuses ♥

1 Gloussez, gloussez, mais c’est justement de femmes et de caprinés (Dionysos est souvent associé au bouc, et je ne vous parle même pas de son grand ami Pan) qu’il va être question ici. Après tout, de la crotte de bique au suppôt de Satan, il n’y a qu’un pas, comme on va avoir le loisir de le voir ci-après…
2 C’est une synthèse qui se lit très bien, imprimée sur un joli papier qui plus est ; cela dit dans un genre similaire, j’ai trouvé La femme et les médecins de Catherine Fouquet et Yvonne Knibiehler plus complet et plus convaincant.
3 Informatif et relativement facile d’accès dans mes souvenirs, mais dans la catégorie « misogynie et psychanalyse », rien ne dépasse selon moi l’étrange et inépuisable Fantasmâlgories de Klaus Theweleit.
4 Et/ou de revêtir ma plus belle peau de bête pour m’enivrer et découper des hommes en morceaux.
5 Elles n’ont évidemment pas le monopole (c’est le cas de tout le monde, de la nature entière), mais leur longe est si courte…
6 De la même façon, René Girard, qui publie La violence et le sacré en 1972, juste après les wannabe-dionysiennes années 1960, rappelle que voir le dionysiaque comme quelque chose de sympa et de souhaitable, ne pas en avoir peur, c’est ne pas le comprendre, c’est avoir perdu toute notion de ce qu’est la « violence essentielle ».
7 Étrangement, on se retrouve pas si loin des théories Judith Butler, parallèle hasardeux que les deux autrices en questions détesteraient sans doute tout autant. Il faut dire que Paglia a un sens boobaesque du clash et des relations un peu tendues avec beaucoup de monde.
8 Dans King Kong Théorie, où j’ai entendu parler de Camille Paglia pour la première fois, Virginie Despentes la décrit comme « la plus controversée des féministes américaines ».
9 Plus volontiers qu’à d’autres philosophes, écrivaines ou penseuses en tout cas, à part peut-être à Gabrielle Wittkop et Annie Le Brun, pour la fascination pour Sade et le côté féministocritique.
10 Si ce titre peut faire penser aux « Black Leather Beavers », un groupe inventé par Diamanda Galás avec pour mission de castrer les violeurs, c’est à une tradition funéraire grecque où des femmes président la cérémonie armées de grands couteaux qu’il fait allusion. J’en profite pour recommander son interview dans le fantastique Angry Women d’Andrea Juno. Angry Women in Rock est tout aussi bien, d’ailleurs, et tout aussi dans le sujet : grâce à un tumblrino exemplaire, les deux sont téléchargeables ici.
11 Comme Sexual Personae, je m’en chargerais avec plaisir. Éditrices, éditeurs, on n’attend plus que vous !
12 « Comme au temps du mythe, c’est l’indistinction qui règne, je suis cette forme incertaine aux traits disparus sous les brèches ouvertes du visage, recouverte d’humeurs et de sang », lit-on dans l’ouverture in medias res du livre.
13 Il a bien aussi une assise universitaire et scientifique, mais celle-ci est confinée à un autre ouvrage tout aussi passionnant, À l’est des rêves. L’autrice parle de l’articulation entre les deux (entre autres choses tout aussi passionnantes) ici.
14 « Pass the bottle / Pass the knife / Pass me your unholy craft ! » : dans « Nastassja in Eternal Sleep », qui ouvre Under A Funeral Moon (sur une chanson d’amour, soit dit en passant, ce que le monde entier a apparemment décidé d’ignorer), Nastassja est une sorte d’amante-mère-muse, « sorcière satanique bien-aimée » dont le narrateur se proclame le vengeur-héritier-possédé.
15 Jean-Pierre Vernant, La mort dans les yeux – figures de l’Autre en Grèce ancienne

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